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ANTHROPOLOGIE DES RÊVES

La question du rêve traverse toute l'histoire de l'anthropologie qui ne peut se limiter qu'aux seuls faits et théories occidentales. Bien au contraire, elle se construit au travers de toutes les cultures du monde et de toutes les époques du passé. Si le rêve n'apparaît souvent en Occident que dans le registre de sa médicalisation et de sa rationalisation (psychiatrie, psychanalyse, neurophysiologie), c'est l'aboutissement d'une histoire qui l'a toujours situé au coeur de conflits et d'enjeux essentiels pour toute société : les questions de conscience, du sommeil, de la mémoire, de la parole et du pouvoir. En abordant, notamment les thèmes du chamanisme, des médecines traditionnelles, de la religion, des pratiques divinatoires, de l'art, du mythe et du sacré.

Dans les tribus amérindiennes, l'adolescent découvre en rêve son identité et son destin personnel, souvent à l'occasion de rites et d'épreuves initiatiques. Le rêve est un guide de l'individualisation. Il joue un rôle essentiel et donne à chacun une place incontestée dans la collectivité. La vie du groupe est également dirigée par les rêves et la journée commence souvent avec le récit de ceux de la nuit qui s'achève. Ils aident la tribu pour la chasse, la médecine ou la guerre.

Les anciennes civilisations et la médecine antique  accordent au rêve une très grande attention. Il est à l'origine de nombreuses croyances et étroitement lié à la vie des cités. Toutes ces civilisations bâtissent des "temples d'incubation" où l'on vient pour dormir et faire interpréter ses rêves. On y cherche l'explication et la guérison de certaines maladies.

Au IVe siècle, l'église catholique devient la religion officielle de l'Empire Romain et l'étude des rêves est interdite et sa pratique est assimilée aux pratiques de la sorcellerie et de la magie. Dans les ordres monastiques, les prières nocturnes et un lever très matinal privent les moines de leurs rêves. Leur contenu est considéré comme diabolique et l'interprétation en est interdite. Les autorités catholiques pensent que le sommeil et le rêve, l'amour et la sexualité éloigent l'homme du bien, de Dieu et livrent au mal, au démon. Cette conception chrétienne de l'homme va dominer la vie quotidienne, intellectuelle et religieuse occidentale depuis le moyen-âge jusqu'au XXe siècle.

Législation et interprétation des rêves,  sous le Premier Empire, les règles très sévères qui restreignent les libertés de pensée et d'expression sont maintenues. Le rêve semble capable de déranger un pouvoir totalitaire et il reste considéré comme dangereux car les anciennes interdictions religieuses sont reprises dans le code pénal.

L'ancien Code Napoléon, en vigeur jusqu'en 1992, punit "de l'amende prévue pour les contraventions de la 3ème classe les gens qui font métier de deviner et pronostiquer, ou d'expliquer les songes". (article R.34-7)

Le rêve pose d'abord la question délicate de son sens et reste ainsi exclu de toute étude rationnelle. Même la psychanalyse, en partie basée sur l'interprétation des rêves, pouvait être considérée comme illégale en France avant la parution du nouveau code pénal. Un médecin qui s'intéressait aux rêves de ses patients pouvait être inquiété. L'interprétation des rêves reste légalement interdite jusqu'en 1992 dans la loi française.

Sur le plan psychanalystique, durant la période du XIXe siècle jusqu'au premier tiers du XXe siècle, Freud s'attache à décrire ou à retranscrire et comprendre le rêve. Il en conclut que le rêve est une forme d'expression du désir de l'inconscient. Freud renie l'existence des rêves prémonitoires. Le rêve est selon lui la voie royale qui mène à l'inconscient.

Sommeil et rêve d'un point du vue médical au début du XXe siècle,  à ses débuts, la physiologie moderne n'accorde aucune importance au sommeil. Selon E-J Marey, médecin, physiologiste et président de l'académie de médecine en 1900, le cerveau se repose la nuit. Le rêve est un fonctionnement incohérent des neurones qui précède le retour de la conscience. Le sommeil et le rêve n'ont aucune utilité : le temps passé à dormir et à rêver est perdu. Alors qu'à l'évidence, aucun mammifère ne saurait s'en passer. 

En 1924, le Larousse médical illustré donne au rêve la définition suivante :

"désordre psychique à contenu absurde et sans valeur pratique."

De nombreux savants dont Descartes, Kelule, Poincaré et Einstein témoignent d'une activité inconsciente créatrice.

Henri Poincaré, mathématicien, raconte qu'il trouve la solution de problèmes difficiles à son réveil et Albert Einstein, presque contemporain de Freud, écrit dans son autobiographie : "Il n'y a pour moi aucun doute quant au fait que le cheminement de notre pensée s'accomplit en grande partie sans utiliser de signes, de mots et qu'il progresse dans une très large mesure de façon inconsciente." Le chimiste Auguste Von Kelule, quant à lui, tente d'élucider la structure du benzène. Dans un rêve, il voit l'image d'un serpent qui se mord la queue et sa réflexion le conduit à imaginer un noyau cyclique avec six atomes de carbone.

La découverte du sommeil paradoxal redonne au rêve une nouvelle importance,  le professeur de médecine Michel Jouvet en 1959 nous apprend que ce n'est plus le rêve qui est le gardien du sommeil mais l'inverse, le rêve se déroule au cours du sommeil très profond. Le rêve est enfin compris comme un phénomène psychique et non comme une manifestation d'un monde invisible extérieur à l'homme. Dans les années 60, la physiologie dispose enfin de moyens adaptés à l'étude fine du système nerveux central. L'enregistrement du sommeil met alors en évidence un phénomène totalement imprévu, le sommeil paradoxal. Une nouvelle fonction neurophysiologique fait son apparition et un autre mode de réflexion s'impose : tout indique que le sommeil paradoxal est associé au rêve et la théorie unitaire du sommeil est renversée. La conception freudienne du rêve, sa place dans un sommeil léger et son aspect purement psychique sont profondément remis en cause.

Rêve et nouveau Code pénal de 1992, en France la réforme du Code pénal de 1992 dépénalise l'astrologie, les sciences occultes et l'interprétation des rêves. Seul "le fait d'obtenir la remise de sommes d'argent en persuadant des hommes crédules de ses pouvoirs divinatoires" constitue une escroquerie (article 313-1). Mais l'ancien article R.34 n'est pas repris :

Après 800 ans d'interdiction, chercheurs, médecins et psychologues peuvent enfin, en toute légalité, s'intéresser au rêve et à son interprétation.

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